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VOUS VOULEZ SAVOIR COMMENT VOS IMPÔTS SONT COLLECTÉS ?

C’est un des ministères les plus secrets de la République. "Dans l’enfer de Bercy" (JC Lattès), un livre d’enquête publié aujourd’hui, deux journalistes dévoilent les coulisses du ministère des Finances. Dont celles des services fiscaux.

Bercy, une machine à fantasmes, assurément. Et dans cet immense paquebot, cet "État dans l’État", les services fiscaux ne sont pas les derniers à susciter questions, craintes et fascinations. Dans une enquête très fouillée (Dans l’enfer de Bercy, JC Lattès, publiée ce jeudi 26 janvier) consacrée au ministère des Finances, Marion L’Hour, journaliste à France Inter, et son homologue de France Culture Frédéric Says, consacrent un chapitre au fisc : "La chasse aux fraudeurs." En voici quelques chiffres (utiles) et anecdotes (savoureuses).

Les contribuables peuvent avoir l’impression d’avoir les impôts sur le dos, l’inverse est aussi vrai. Les auteurs racontent ainsi l’histoire de "Monsieur Collant", un vieil écrivain à succès auteur de "romans ésotérico-orientaux" (à vous de jouer à la devinette...). En délicatesse avec le fisc, l’homme n’hésite pas à inviter le ministre du Budget à dîner : "À la fin du dîner, raconte un collaborateur du ministre, ce type est tombé sur le paletot du ministre. Pour s’en dépêtrer, il lui a donné mon numéro. Résultat : ça fait six mois qu’il me harcèle pour qu’on arrange son dossier ! Il a aussi appelé l’Élysée, au cabinet du Premier ministre...Il a fait chier toute la République !" En fait, l’écrivain donnait chaque mois environ trois mille euros à "une jeune amie." Les impôts ont estimé que ces dons correspondaient à des revenus, et le fisc s’est intéressé à la jeune femme. "Il me disait, poursuit le collaborateur du ministre : "Elle va se suicider, ce sera de votre faute." Épuisé par le harcèlement, le fonctionnaire a proposé un arbitrage, et 10% de la somme due a disparu de l’ardoise. "C’est une forme de corruption quotidienne, banale...qu’on laisse passer", conclut le conseiller.

Pour le contribuable "normal", les choses sont souvent plus simples. Chiffre intéressant donné par les deux journalistes : nous avons tous une chance sur trente-huit d’être contrôlé : "Les services du fisc opèrent un million de contrôles par an pour trente-huit millions de foyers fiscaux." La plupart se font sur documents. Pour autant, nous ne sommes pas tous égaux face à l’impôt. Les dossiers les plus complexes -et les moins rentables-sont laissés de côté. Or, ils concernent parfois de hauts revenus. "Par exemple, les médecins ou les avocats. Dans leurs dossiers, il y a des milliers de pièces, des frais, des justificatifs", explique Alexandre Derigny, agent des impôts et secrétaire général adjoint de la CGT-Finances. Les dossiers susceptibles de faire rentrer le plus d’argent dans les caisses de l’État sont donc privilégiés. Exemple : depuis 2003, les contribuables qui gagnent plus de deux cent mille euros annuels sont obligatoirement contrôlés tous les trois ans, soit le délai légal de la prescription. Deux logiciels tentent de compenser la baisse du nombre de fonctionnaires : Adonis et SiriusPart -c’est leur nom - moulinent les bizarreries des déclarations fiscales : l’achat d’un appartement à un million d’euros par une personne déclarant cinquante mille euros de revenus annuels n’échappera pas à la vigilance des logiciels. Un élément rassurant confirmé par Marion L’Hour et Frédéric Says : les inspecteurs ne sont pas rémunérés à la tâche, aucun système de prime ne viendrait récompenser les plus zélés. "C’est bidon, totalement bidon", assure Bruno Parent, le directeur des impôts.

Un autre fantasme tient aux contrôles ciblés, qui concernent les plus riches. Ils sont l’apanage de la "DNVSF", l’acronyme de la Direction nationale de Vérification des situations fiscales, où travaillent trois cent vingt inspecteurs. Leurs cibles : les contribuables à plus de sept cent mille euros annuels, ou dotés d’un patrimoine de trois millions d’euros. Outre de puissants logiciels, les fonctionnaires décortiquent....la presse people, scrutant à la loupe les villas de St-Tropez et les yachts stationnés devant. Mais les journalistes consacrent aussi de longues pages à une structure plus informelle : la légendaire "cellule fiscale" chargée au sein du cabinet du ministre d’examiner les dossiers fiscaux les plus sensibles. Si elle a été officiellement dissoute en 2010, les deux auteurs affirment que "le ministre continue bel et bien de signer des décisions sur les dossiers fiscaux" spécifiques qui lui sont signalés. Lorsqu’elle existait encore officiellement, la cellule s’est notamment occupée du cas de Florent Pagny au début des années 2000. En délicatesse avec les impôts, le chanteur avait fini "par se jeter" sur un membre du fisc. Un geste brutal...mais "payant" puisque la cellule s’était emparée du dossier, établissant les incohérences du fisc et proposant aux avocats de Pagny un arrangement sur les pénalités. En est née "Ma liberté de penser"...Une stratégie finalement aussi efficace que les incessants SMS de "Monsieur Collant."

Dans l’enfer de Bercy, enquête sur les secrets du ministère des Finances, de Marion L’Hour et Frédéric Says, JC Lattès, 399 pages, 20,50 euros.

Article publié le 30 janvier 2017.


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