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La Commission Européenne a présenté le 28 janvier 2016 de nouvelles mesures contre l’évasion fiscale des entreprises...qui ne vont pas bien loin.

De nouvelles règles sont nécessaires pour harmoniser les législations fiscales de l’ensemble des 28 pays de l’UE afin de lutter de manière efficiente et efficace contre les pratiques fiscales agressives mises en œuvre par les grandes entreprises.

La Commission européenne a ouvert aujourd’hui un nouveau chapitre dans sa lutte pour une fiscalité juste, efficace et propice à la croissance dans l’UE, avec de nouvelles propositions destinées à contrecarrer l’évasion fiscale des entreprises. Le paquet de mesures contre l’évasion fiscale appelle les États membres à adopter une position plus ferme et mieux coordonnée à l’égard des entreprises qui cherchent à se soustraire au paiement de leur juste part de l’impôt, ainsi qu’à mettre en œuvre les normes internationales visant à lutter contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices.

Les principaux éléments des nouvelles propositions sont les suivants :

des mesures juridiquement contraignantes pour contrer les méthodes les plus couramment utilisées par les entreprises pour éluder l’impôt ;
une recommandation aux États membres sur la manière de prévenir toute utilisation abusive des conventions fiscales ;
une proposition destinée à permettre aux États membres d’échanger des informations fiscales sur les multinationales présentes dans l’UE ;
des actions visant à promouvoir la bonne gouvernance fiscale à l’échelle internationale ;
un nouveau processus pour inscrire sur une liste de l’UE les pays tiers qui refusent de jouer le jeu.

Face à l’évasion fiscale, Moscovici plan-plan l humanité 29 janvier 2016

Les mesures présentées jeudi par la commission risquent de ne pas suffire pour enrayer les trucs et astuces des multinationales. Le dumping n’est pas près de cesser.

À Bruxelles, les superlatifs sont de sortie : la Commission européenne « tape fort » contre l’évasion fiscale, Bruxelles lance son « offensive » contre l’optimisation fiscale, voire sa « croisade ». Une manière de redorer le blason de Jean-Claude Juncker, passablement terni par le scandale LuxLeaks, avec la révélation des centaines d’accords fiscaux très avantageux – les fameux « rescrits » – pour les multinationales conclus au Luxembourg à l’époque où l’actuel président de la Commission européenne en était le premier ministre. « Le manque à gagner dû à l’évasion fiscale se chiffre chaque année à des milliards d’euros, qui pourraient servir à financer des services publics comme les écoles et les hôpitaux, ou encore à stimuler l’emploi et la croissance ! » lance Pierre Moscovici, commissaire européen chargé des Affaires économiques.

Mais derrière l’emballage, le paquet de mesures présenté jeudi à Bruxelles ne va pas bien loin. Il se contente de décliner le plan de préconisations « contre l’érosion de la base d’imposition et les transferts de bénéfices » (Base Erosion and Profit Shifting – Beps) élaboré par l’OCDE à l’automne (lire l’Humanité du 3 novembre 2015). Le principe de base, c’est de faire payer les impôts là où les profits sont réalisés, mais pourra-t-il être respecté ? Rien n’est moins sûr car Pierre Moscovici écarte fermement toute perspective d’une harmonisation fiscale européenne qui demeurerait la voie royale pour lutter contre le dumping acharné auquel se livrent de nombreux États membres au sein même de l’Union européenne. À cet égard, la réaction réjouie de Johan Van Overtveldt, ministre belge des Finances et membre de la formation de droite NVA, est symptomatique. « C’est important que chaque État membre conserve la liberté de mener une politique fiscale en fonction d’un bon climat économique, se gargarise-t-il. Les pays plus petits ont besoin de ce levier pour rester attractifs pour les investissements et pour attirer l’emploi. »

Transparence relative sur les impôts payés par les entreprises

Dans la même veine, la Commission écarte d’emblée tous les États membres de l’Union des listes des paradis fiscaux, alors que, derrière le Luxembourg et la Belgique, les dispositifs d’ingénierie fiscale destinés à s’accaparer les miettes fiscales des profits réalisés par les multinationales dans toute l’Europe se multiplient aux Pays-Bas, en Irlande ou en Grande-Bretagne. Comme le fait observer le CCFD-Terre solidaire, étant donné que la Commission ne propose pas de définition uniforme de ce qu’est une juridiction à fiscalité faible, « elle risque d’accélérer la course au moins-disant fiscal qu’on observe déjà en Europe ».

Au cœur de son plan, la Commission met en avant un principe de « transparence sur les impôts que paient les entreprises » : les autorités nationales échangeront des informations fiscales sur les activités des multinationales, pays par pays. Ce qui lui fait dire que « tous les États membres disposeront ainsi d’informations essentielles pour détecter les risques d’évasion fiscale et mieux cibler leurs contrôles fiscaux ». Mais, dans le même geste, elle renvoie à plus tard la question de la publicité faite à ces déclarations pays par pays. Or, pour les ONG, ce principe dit de reporting est essentiel pour lutter contre l’évasion fiscale. « La confidentialité de ces informations retire l’efficacité première du reporting, son effet dissuasif, fait observer Manon Aubry, d’Oxfam France. La Commission doit proposer la publicité de ces informations sur le modèle de ce qui existe déjà pour les banques et comme défendu par le Parlement européen. En particulier, le gouvernement français, qui a bloqué l’adoption d’une telle mesure par l’Assemblée en décembre 2015, doit à présent la soutenir publiquement. »

Article publié le 15 février 2016.


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